LE
FIGARO
Saint-Denis: le patron du Raid raconte l'assaut heure par heure [Paris, 18nov2015]
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Par Christophe Cornevin , Mathilde
Golla
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Mis
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Publié
INTERVIEW - Jean-Michel Fauvergue, directeur du Raid, raconte en détails,
comment ses hommes ont mené l'assaut dans le nord de Paris. L'opération, qui a duré sept heures, a
occasionné «des centaines de coups de feu» et blessé 5 hommes de l'unité
d'élite de la police.
Fonte: Jornal LE FIGARO,
Paris.
Publié le 18/11/2015 à 20:09;
Mis à jour le 18/11/2015 à 20:32
Acess RAS 18nov2015; 17:10h
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/11/18/01016-20151118ARTFIG00320-assaut-a-saint-denis-l-intervention-du-raid-heure-par-heure.php
LE
FIGARO. –
[1]
Que savez-vous avant de commencer l'assaut?
Jean-Michel FAUVERGUE. - Au départ, on nous a dit qu'il y avait trois personnes
à l'intérieur. On pense qu'il y a une femme et deux
hommes radicalisés.
[2] Vous saviez que la femme portait un gilet
explosif?
Oui, on savait que les terroristes
étaient sans doute armés de kalachnikov et de gilets explosifs.
[3]
Abu Abdelhamid Abaaoud pouvait-il être présent?
On savait qu'il était peut-être là.
Les autres services nous avaient transmis cette information.
[4]
Pouvez-vous nous raconter l'assaut?
L'assaut
commence à 4h16 et il dure tout le temps du siège. On décide de faire une ouverture de porte à
l'explosif car c'est généralement efficace et sidérant pour les gens qui sont à
l'intérieur. Malheureusement, comme ça arrive quelques fois, ça ne marche pas
bien. La porte blindée s'ouvre mal. On a du mal à rentrer et donc l'effet de
surprise n'existe pas et très rapidement nos gars sont pris dans des échanges
de tirs nourris. On riposte.
Les terroristes ont rapidement
installé un porte-bouclier derrière la porte. Un porte bouclier assez lourd,
posé sur une structure à roulettes. Ça n'est pas un bouclier sarcophage, mais
ça y ressemble.
L'échange de tirs dure entre une
demi-heure et trois-quarts d'heure. Des centaines de coups de feu sont
échangés. Les terroristes ont également lancé des grenades offensives. Puis les
tirs deviennent plus sporadiques, entrecoupés de périodes de feu plus intenses.
Après un long moment sans tir, on
décide d'envoyer un chien pour qu'il fasse une reconnaissance des lieux.
Malheureusement, Diesel, un chien d'attaque, est tué à la Brenneke.
On avait auparavant placé 6 tireurs
d'élite devant les ouvertures, sur des immeubles aux alentours. L'un de
nos hommes voit un des terroristes, lui demande de lever les mains. Il ne le
fait pas. Le tireur d'élite tire. Le terroriste est touché mais continue de
risposter à la kalachnikov. Les
échanges de tirs continuent assez longtemps.
Puis la femme présente à l'intérieur envoie une longue rafale
de tirs et s'ensuit une grande explosion. Les fenêtres, côté rue, volent en
éclats. Un bout de corps, un morceau de colonne vertébrale, tombe sur une de
nos voitures.
[5] La femme s'est-elle jetée sur les forces
d'intervention?
Non, nous sommes prudents. La femme
s'est fait sauter toute seule dans l'appartement, en espérant que la force de
l'explosion nous touche. Mais l'explosion ne nous a pas touchée, en revanche le
choc a fait plier des murs porteurs. L'appartement est fragilisé
mais il ne s'effondre pas.
Nous sommes au milieu de la mission, il est environ 9 heures.
Les tirs de kalachnikov se poursuivent. Puis nous n'entendons plus
qu'une kalachnikov car la deuxième s'est tue.
On décide alors de travailler à la grenade de 40mm. C'est une grenade qui contient 40 grammes d'explosif
et qui sert à assourdir et à sidérer les assaillants. On en jette une vingtaine.
Puis on continue la progression dans
l'appartement. C'est une progression raisonnée.
[5] C'est-à-dire? Vous
utilisez des moyens de reconnaissance?
On avance prudemment dans
l'appartement. On envoie un drone pour regarder à travers les vitres et les
velux mais ça ne nous apprend pas grand-chose.
On balance un premier robot muni
d'une caméra pour faire une reconnaissance des lieux. Mais il est rapidement
bloqué par les gravats. On emprunte un robot plus gros et plus haut, celui de
la sécurité civile qui sert au déminage, mais il ne peut pas non plus
progresser à cause des gravats. On n'arrive pas à le déployer.
On s'aperçoit qu'il y a des trous un
peu partout, dans le parquet. Alors on décide d'utiliser l'appartement du
dessous, du deuxième étage, pour passer des perches dotées de caméras. On voit alors qu'un corps est passé du troisième au
deuxième étage. Le cadavre est abîmé car il a sans doute pris des grenades et
il a reçu une poutre lorsqu'il est tombé. Il n'est pas identifiable.
On décide de repartir au troisième
étage. D'autres personnes sont sur le pallier, deux hommes se cachaient sous du
linge et avec ce qu'ils avaient trouvé. On les arrête. On continue notre
progression mais on ne voit plus rien.
[6] Des policiers ont été blessés durant l'assaut?
Cinq de nos hommes sont blessés,
certains par balles, d'autres ont pris des morceaux d'explosifs. Ils ont été
touchés aux bras, aux jambes, aux mains, dans le bas du dos, mais leur
pronostic vital n'est pas engagé.
[7]
Vous êtes-vous coordonnés avec la BRI?
Oui, à la fin de l'opération, il fallait que l'on vérifie
d'autres bâtiments, d'autres appartements qu'on nous avait désignés. La BRI est donc venue en renfort et c'est elle qui a
fait cette mission.
Nous étions 110 policiers
d'intervention sur le terrain, dont 70 du Raid.
[8] Avez-vous des techniques d'intervention
particulières?
L'engagement du Raid et de la BRI est
un engagement total mais nos hommes ne sont pas suicidaires et on a mis au
point des techniques d'intervention particulières. Mais ça
pose problème de travailler sur des gens qui portent des gilets explosifs.
[9]
Ça pose quels problèmes?
On est obligé de rester à distance car effectivement il ne
faut pas que l'on se fasse péter.
[10]
Est-ce que cette nouvelle forme de terrorisme va modifier vos techniques
d'intervention?
On les a déjà modifiées. On s'est
servi de l'expérience de nos amis étrangers et notamment des techniques
utilisées en Israël mais aussi dans d'autres pays. Ce sont des techniques pour
essayer d'avoir le moins de dégâts possibles avec un kamikaze.
[11] C'est éprouvant pour les nerfs des hommes…
Oui, des hommes mais aussi des chefs. Vous êtes en train de
commander une colonne et vous allez demander à vos gars d'aller au contact sur
des individus qui sont prêts à se donner la mort.
Si cette série continue, le comportement de mes hommes
restera le même. Si on arrive à conserver du temps de repos, ça se passera
bien. Là, on est en train de gérer la fatigue et le repos.
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